Récit de mon voyage en inde
Mon Inde à moi… C’est.. Ça va être difficile de faire court, mais je vais essayer de pas faire trop long. En fait, je ne suis pas partie en voyage, du genre, je vais faire du tourisme, découvrir le monde. Je suis partie en Inde, le sac sur mon dos, après un gros coup de tête ! Je n’étais pas vraiment dans l’ambiance « vacances, fun, je vais m’éclater… ». Non, j’étais en mode déprime « Ma vie n’a plus de sens ! » …
Bon, je vous raconte brièvement…
J’en pouvais plus. J’étais à la limite du burn-out. Je venais de me séparer de mon mari, et au boulot c’était plus possible. Je suis infirmière et je bossais depuis 8 ans dans un CHU près de Bordeaux. Depuis trois ans, je travaillais aux urgences. Du grand n’importe quoi. Pas de matériel, pas assez de personnel, je faisais des heures de fous et, comme si ça suffisait pas, les rapports avec les (certains) collègues étaient complètement dingues… Ces conditions de travail ne me permettaient pas d’exercer mon métier, correctement, de façon rigoureuse. Et cela influençait négativement mes actions auprès des patients. J’avais perdu mon empathie, ma bienveillance. Je faisais ce métier pour l’amour de l’humain et il me déshumanisait en me privant peu à peu de mes meilleurs sentiments. Ma rupture d’avec mon mari, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Je me suis dit, je plaque tout, je pars un an faire le tour du monde ! Je me voyais bien en Julia Roberts dans le film « Mange, prie, aime ».
J’étais complètement déconnectée de moi-même !
Je sentais que j’avais besoin de me relier avec mon moi profond, de me recentrer. Le travail, la rupture à un âge où j’étais sensée faire des enfants, ça me mettait une pression insupportable. Je pleurais sur toutes les belles choses du passé que j’avais perdu et je regardais mon avenir sombre, triste, dramatique… Je ressentais un profond besoin d’harmonie et de paix. Et le pays qui m’inspirait tout cela, c’était l’Inde. Et puis, y’a eu plein de petits signes qui me disaient « vas-y, pars ! Vas vers ton rêve ! ».
Alors, vous savez quoi ?
J’ai pris la décision de sortir de ma zone de confort ! Ni une, ni deux, j’ai pris un billet, j’ai fait ma demande visa « rue du paradis », ça s’invente pas, et à moi l’Inde ! « Puisse-t-elle m’apporter la paix intérieure dont j’ai tant besoin », je priais déjà…
Sauf qu’en arrivant là-bas…
Ce n’est ni l’harmonie, ni la paix, qui m’a accueillie ! Je suis arrivée à Delhi, c’était un bordel monstre ! D’abord à l’aéroport, les gens parlaient un anglais hallucinant. J’ai mis une demie heure (j’exagère…) avant de réaliser que l’hôtesse me parlait anglais, alors que je croyais qu’elle me parlait en hindi! Et puis, en sortant de l’aéroport, j’ai pris le métro. Pas beaucoup de monde, fouillée comme dans un aéroport, c’était quelque-chose, un peu flippant même ! En sortant, j’ai halluciné. Je ne sais pas où j’étais, mais y’avait une avenue immense, des voitures dans tous les sens, des vélos, des gens à pieds, c’était géant et plein de poussière ! Un homme en pousse-pousse m’a demandé où j’allais, je lui ai dit « au quartier tibétain ». Il m’a dit « ok, come ». J’ai hésité. Je n’avais pas réfléchis à cette question avant de partir. Je n’étais pas très à l’aise avec le fait de m’asseoir comme un pacha à l’arrière de ce « véhicule » qui avance uniquement à la sueur des hommes, j’ai pensé qu’il n’y avait pas de différence avec le traitement des animaux… parce que c’est les bêtes qu’on voit tirer des chars en général… et puis devant son insistance et sa bonne humeur, je suis montée dans son pousse-pousse, en me disant que c’était son gagne-pain. (Mais je n’ai jamais pu reprendre de pousse-pousse après cela). En tout cas, là, ç’a été l’hallucination totale ! J’ai l’impression d’avoir vécu à ce moment-là, toute la panoplie des émotions qui existent, juste le temps d’un trajet en pousse-pousse ! En fait, en sortant du métro, je suis sortie du 21è siècle et je me suis retrouvée au 14è siècle ! Voyager en Inde, c‘est voyager dans le temps ! Là, j’ai vu des vaches, des chèvres, des gars sur une charrette tirée par un buffle, un « boeufabos » comme je les appelle. Et j’étais dans la capitale de l’Inde, la cinquième puissance mondiale ! Punaise !
Ça c’était mon arrivée, et je la raconte à tout le monde, parce que c’est vraiment un bon souvenir. Moi qui étais en train de me laisser aller au chagrin et à la déprime, qui voyais ma vie s’éteindre à petit feu, jamais je ne me suis sentie aussi vivante qu’au moment où je suis sortie de ce métro et que j’ai emprunté ce pousse-pousse pour aller au quartier tibétain à Delhi. J’avais la trouille, je crois même que j’ai pleuré, mais en même temps, j’étais heureuse, libre, pleine de courage et d’envie, c’était complètement surréaliste !
Après, j’ai fait plein de choses. Au quartier tibétain, j’ai rencontré une australienne bouddhiste (ce n’est pas un hasard), qui m’a filé des bons plans. J’ai voyagé du nord au sud mais je ne peux pas tout raconter là, ce serait trop long… Alors, je vais vous dire ce qui m’a plu et ce que l’Inde m’a apporté, parce que c’est vrai outre le fait de découvrir une nouvelle culture, et ça déjà, c’est extraordinairement enrichissant, mais l’Inde a été pour moi un anti-dépresseur. Y’en a qui ne comprenne pas comment voyager dans un pays où la misère est partout c’est enrichissant et bon pour le moral…
Vous voulez que je vous dise ?
Oui, il y a beaucoup de misère, beaucoup de poussière, beaucoup de saletés. Mais à l’image du nénuphar qui fleurit sur des eaux sales, on voit là-bas des sourires et des regards tellement chaleureux, des couleurs si vivifiantes. Ce que cette beauté au sein de la misère m’a apporté, c’est de comprendre que quoiqu’il arrive dans la vie, il faut rester digne, garder la foi, sourire à la vie, y mettre de la couleur.
Bon, voici maintenant le récit de mon voyage en Inde…
Si le paradoxe n’était pas un mot mais un pays, ce serait certainement l’Inde. On dit souvent que c’est un pays violent, parfois même barbare, et en même temps, j’y ai rencontré des gens d’une douceur inouïe, d’une gentillesse et d’une bienveillance innées… À l’image de la nourriture, qui peut être horriblement piquante, comme elle peut être juste un vrai délice. D’ailleurs j’ai adoré manger en Inde. Les naans avec le palak dal (des lentilles aux épinards), ou le Aloo Jeera, des pommes de terre sautées aux graines de cumin… et le masala dosa, des pommes de terre cuisinées enroulées dans une crêpe de farine de lentilles, et le tchai, et le lassi…Humm…
En fait, j’ai fait comme dans le film « Mange, prie, aime » !
… Sauf que j’ai tout fait en Inde. Manger, ça fait du bien au moral, ça redonne du goût à la vie. Et puis, prier. Bon, je ne suis pas branchée religion à la base. Mais en visitant les temples hindous, en visitant des villes comme Varanasi, je me suis laissée emporter vers les délices de la prière. Des prières à moi, mais cela m‘a beaucoup aidé je crois, car voyageant seule, il y avait des moments où je repensais à ma vie d’avant, à ce que j’avais « perdu ». Rester assise dans les temples, à regarder toute cette ferveur ardente, me redonnait de la force et je pensais alors à tout ce que j’avais « gagné ». Car jamais je n’aurais vécu une telle expérience de vie intense, si je n’avais pas « perdu » (même volontairement) ma vie de couple et mon travail. Les chants religieux hindous m’ont redonné du baume au coeur. Parfois, j’avais envie d’être seule, même si c’était pour pleurer. Parfois, j’appréciais la compagnie d’autres voyageurs. Et j’étais libre d’être seule, libre de ne pas l’être…
Et pour prier, Bodhgaya aussi c’était bien. Parce que c’est ici que le Bouddha a eu l’Illumination et toutes les écoles de bouddhisme ont leur temple là-bas. Même si je ne suis pas bouddhiste, j’aime bien la philosophie. D’ailleurs, pendant mon périple, j’ai fait un stage de vipassana, enfermée pendant dix jours dans un centre non mixte pour méditer, juste méditer, comme un Bouddha! Je voyageais depuis un peu plus de quatre mois, j’avais descendue toute la vallée du gange jusqu’à Calcutta, et je découvrais tranquillement l’Orissa, mais je sentais que quelque-chose ne tournait pas rond. Je recommençais à douter. Et franchement, je pensais à rentrer… D’être loin de ma famille, de mes amis, c’était pas facile. Parler en anglais tout le temps, non plus. Je suis pas tout à fait bilingue alors, ça me demandait un effort permanent. Même si du coup, je faisais des progrès, c’était fatigant et je pouvais pas discuter toujours très profondément. Mais je crois que j’avais un coup de blues. Je me disais que partir un an, c’était peut-être une perte de temps, à mon âge ! « Quand est-ce que j’allais faire des enfants ? J’avais même pas d’amoureux… » Mais je faisais toujours confiance à l’Univers depuis le début, je recevais toujours des signes qui me guidaient. Et là, alors que je suis au plus bas, je rencontre, à Puri, dans l’Orissa, des argentins en formation ayurvédique (me demandez pas pourquoi ils étaient à Puri plutôt que dans le Kerala, eux-même se le demandaient toujours..). Et ils m’ont parlé de ce stage Vipassana, qu’on peut faire dans différents endroits en Inde et même à l’étranger. Je me suis dit « C’est ce qu’il me faut ! » Même si je n’avais pas l’habitude de méditer pendant une heure de temps, Alors, je l’ai fait à Madras, avant de partir au Sri Lanka pour essayer d’obtenir mon deuxième visa de six mois (que j’ai eu sans difficulté! Merci la vie!).
Je vous vois venir, vous vous voulez savoir si imiter le Bouddha pendant dix jours amène à l’Illumination… ?
Je vais vous décevoir, mais non ! Comment, vous vous en doutiez ? À défaut d’illumination, j’ai appris à accepter les choses telles qu’elles sont. C’est ce qu’on nous enseigne. Et c’était exactement ce dont j’avais besoin. En fait, là, j’ai compris que j’avais fait le bon choix et que ce n’était plus la peine d’en douter. Que de toute façon, le bon choix c’est toujours celui qu’on fait. Du coup, plus de problèmes, plus de questionnements, que la vie libre commence !
Après le Sri Lanka, je suis retournée à Madras, j’ai fait le Tamil Nadu, le Kerala, le Karnataka, … enfin tout le sud et surtout, j’ai commencé à faire des rencontres extras indiennes comme étrangères! Les gens du sud sont particulièrement gentils et doux, j’ai trouvé qu’il y avait moins d’agressivité dans le regard des hommes aussi. Et moins de sollicitations commerciales… J’ai passé cinq mois à vivre pleinement, cinq mois de bonheur sans failles, manger, prier, aimer, c’est e-xac-te-ment ce que j’ai fait , ce que j’ai réussi à faire, et je crois que ça restera à jamais ma plus grande fierté, ma plus belle expérience de vie.
Aujourd’hui, j’ai un petit garçon de 18 mois et mon plus grand rêve est de lui faire découvrir, à lui et à son papa, ce pays incroyable. Et quand je doute ou que je commence à me plaindre de petites choses insignifiantes (ou pas) qui ne vont pas, je repense à cette période de ma vie, et je me sens immédiatement requinquée et remotivée. L’Inde m’a aidée à relativiser, à positiver, à ne plus jamais me laisser aller, à apprécier la vie à chaque instant.
Vivre, c’est tout ce que la vie nous demande, après tout…
Jean François COLLIER says:
Merci! juste merci! Ca ma profondément touché ! je me suis retrouvé !
Jeff